Après un été particulièrement sec, il n’est pas moins rare de voir de nombreuses maisons individuelles en France présenter de fissures inquiétantes sur les façades, les cloisons intérieures ou les dalles. Ces désordres ne sont pas dus à une malfaçon ou à un défaut d’entretien, mais à un phénomène géotechnique bien connu : le retrait-gonflement des argiles (RGA). Ce processus naturel, accentué par les sécheresses de plus en plus fréquentes, affecte la stabilité des fondations superficielles, notamment dans les zones pavillonnaires construites sur des sols argileux gonflants.
Face à cette réalité, il devient impératif d’adapter les études géotechniques afin d’anticiper les mouvements du sol, éviter les sinistres structurels et garantir la pérennité des ouvrages. Concrètement, comme cela se passe-t-il ? Plus de détails dans ce guide !
Comprendre le phénomène de retrait-gonflement des argiles
Le retrait-gonflement des argiles désigne le phénomène par lequel certains sols argileux changent de volume en fonction de leur taux d’humidité. En période humide, les argiles gonflent ; en période sèche, elles se rétractent. Ces variations provoquent des mouvements différentiels du sol, parfois imperceptibles, mais souvent suffisamment importants pour générer des fissures dans les bâtiments.
Les smectites (comme la montmorillonite) sont parmi les argiles les plus expansives, tandis que d’autres comme les illites ou les kaolinites ont un comportement plus stable. La présence de ces argiles dans le sous-sol augmente le potentiel de retrait-gonflement, surtout lorsque les couches argileuses sont épaisses et situées à faible profondeur.
Les conséquences peuvent être graves :
- fissures dans les murs ;
- désalignements de portes ou de fenêtres ;
- déformations des dallages ;
- ruptures structurelles dans les cas les plus graves.
Ce risque est accentué par certains facteurs, comme l’alternance prolongée de sécheresse et de pluie, la proximité d’arbres à fort développement racinaire, ou encore des fondations inadaptées (trop superficielles, mal armées, etc.).
Identifier les zones exposées : cartographie et contexte réglementaire
La première étape d’une étude géotechnique orientée sur le retrait-gonflement des argiles consiste à savoir si le terrain est situé dans une zone à risque d’argiles gonflantes. Depuis 2020, le BRGM met à disposition une cartographie nationale, identifiant les communes concernées par un aléa faible, moyen ou fort.
Dans les zones classées à aléa moyen ou fort, la Loi ELAN impose désormais la réalisation d’une étude de sol G1 lors de la vente d’un terrain constructible. Cette étude, dite G1 ES + PGC (Étude de Site et Principes Généraux de Construction), permet d’alerter l’acquéreur sur les risques et de poser des bases techniques pour la suite du projet.
De plus, toute non-conformité aux préconisations géotechniques d’une étude de sol G2 peut conduire à une exclusion de garantie par l’assurance dommages-ouvrage. D’où l’intérêt d’adapter l’ensemble de l’approche géotechnique en amont.
Adapter la méthodologie d’étude géotechnique en présence d’argiles gonflantes
L’adaptation d’une étude géotechnique aux risques du retrait-gonflement des argiles s’effectue à travers les différentes phases prévues par la norme NF P 94-500. Chaque étape a son importance, du diagnostic initial à la conception finale des fondations.
Phase G1 : étude préalable
En présence d’un risque argiles gonflantes, l’étude de sol G1 ne doit pas se limiter à une simple lecture de carte. Dès lors, il convient de :
- Analyser les données géologiques disponibles : cartes BRGM, bases de données géotechniques locales.
- Effectuer une inspection visuelle du site : fissures voisines, végétation, topographie, indice de dessiccation du sol.
- Réaliser un rapport G1 ES+PGC complet, incluant des recommandations provisoires qui tiennent compte du contexte RGA.
Il faut préciser que cette phase permet d’orienter les investigations ultérieures et d’alerter les porteurs de projet.
Phase G2 AVP : étude de conception avant-projet
Dans cette phase, la campagne de reconnaissance du sol est approfondie :
- Utilisation de sondages géotechniques pour évaluer la portance ;
- Réalisation de sondages destructifs ou carottages à récupération pour identifier les couches argileuses ;
- Prélèvements d’échantillons pour des essais en laboratoire.
Les essais de laboratoire sont ici déterminants : limites d’Atterberg, teneur en eau naturelle, et surtout essai œdométrique de gonflement, qui mesure le taux de gonflement potentiel.
L’objectif est d’évaluer la profondeur de la zone active, c’est-à-dire la tranche de sol impactée par les variations hydriques, et d’en déduire les contraintes à appliquer pour la fondation.
Phase G2 PRO : étude de projet
À ce stade, les résultats précédents sont traduits en préconisations géotechniques précises. En fonction du degré de risque, on pourra recommander :
- Le choix de fondations adaptées : semelles élargies, radiers, pieux, etc.
- Des mesures de drainage pour éviter les remontées capillaires et variations hydriques brutales.
- La prise en compte du calendrier de construction pour éviter des périodes à haut risque hydrique.
Les recommandations incluent aussi des conseils de mise en œuvre : compactage dynamique, mise à distance des arbres, stabilisation des talus, gestion des eaux pluviales.
Quelles solutions constructives recommander en cas de sol argileux actif ?
Une fois le risque de retrait-gonflement des argiles confirmé, le géotechnicien doit proposer des solutions constructives adaptées au contexte local. Plusieurs approches sont possibles, selon la nature du sol, la profondeur des couches argileuses et la configuration du projet.
Parmi les plus courantes, on note :
- Fondations profondes ou semi-profondes : micropieux, puits longrines ou pieux forés permettent de transférer les charges à une profondeur insensible aux variations hydriques.
- Radiers généraux rigides : armés et bien dimensionnés, ils répartissent les efforts et limitent les effets des mouvements différentiels.
- Systèmes de drainage périphérique : pour stabiliser l’humidité du sol autour de l’ouvrage : drains verticaux, géomembranes, tranchées drainantes.
- Coupure de capillarité entre le sol et les fondations : film polyéthylène, lit de sable.
- Gestion de la végétation : éviter les arbres à racines profondes à proximité immédiate des fondations, ou les écarter d’au moins 5 mètres.
Il est essentiel de rappeler que ces solutions ne sont pas universelles. Elles doivent être dimensionnées en fonction des résultats de l’étude de sol G2. La raison en est qu’une fondation superficielle mal adaptée peut aggraver les désordres géotechniques, même sur un terrain initialement stable.
Conclusion
Adapter une étude géotechnique au retrait-gonflement des argiles, c’est avant tout anticiper un risque bien identifié, mais souvent négligé. Grâce à une méthodologie rigoureuse et à une lecture fine des données géologiques, il est possible d’intégrer ce facteur dès les premières phases du projet.
Les désordres liés au RGA peuvent être largement évités si les études de sol G1 et G2 sont correctement réalisées et suivies. À l’heure du changement climatique et de la récurrence des sécheresses, il est plus que jamais indispensable de considérer ces phénomènes comme des enjeux majeurs pour la construction durable.